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20 ans après, les inondations des 8 et 9 septembre encore dans toutes les têtes

Résumé :

Les 8 et 9 septembre 2002, un épisode pluvio-orageux exceptionnel a touché les départements cévenols et particulièrement le Gard. Durant cet épisode méditerranéen, ce ne sont pas moins de 300mm d’eau qui sont tombés selon les relevés de Météo-France. Localement ces cumuls de pluie peuvent atteindre les 600mm en moins de 24H.

Près de 8 mois de pluie se sont donc abattus en moins de 24H provoquant de nombreux débordements et ruissellements. Le bilan humain est lourd avec 23 décès dont un homme de 84 ans à Bagnols-sur-Cèze, une femme de 46 ans à Saint-Laurent-des-Arbres et une femme de 34 ans et un homme de 74 ans à Chusclan.

Tableau de l’historique des crues de la Cèze de 1890 à 2002 (Archives Municipales)

Chronologie :

Dimanche 8 septembre – 15H:

De nombreux nuages sombres sont visibles depuis le Grau-du-Roi où René Cret, maire de l’époque passe le week-end. “On voyait qu’il se passait quelque chose d’exceptionnel” confie-t-il encore marqué par ces évènements. Le maire de Bagnols-sur-Cèze décide alors de rentrer dans sa résidence de Colombiers (hameau de Sabran) et prend contact dans la soirée avec l’adjoint de garde. Ce dernier en contact avec le service des crues indique qu’il n’a pas de réponses du service.

Lundi 9 septembre – 7H:

A son arrivée en mairie de Bagnols, René Cret reçoit les premières informations du services des crues indiquant qu’une crue de la Cèze est attendue dans la journée et que la rivière pourrait atteindre une hauteur de quatre mètres.

Cette mesure n’est pas en adéquation avec ce que René Cret a vu sur la route puisque à sept heures, la rivière s’étendait déjà dans le Parc-Rimbaud. La Cèze atteint alors la côte de sept mètres et le maire de Bagnols explique avoir eu du mal à venir en ville tant les axes reliant les petits villages du Gard rhodanien à Bagnols étaient déjà inondés.

Courbe du débit de la Cèze entre le Lundi 9 septembre à minuit et le mardi 10 septembre à 23h59 (source HydroPortail)

Lundi 9 septembre – 8H :

La première décision prise par René Cret est de faire évacuer la caserne des Sapeurs-Pompiers de Bagnols-sur-Cèze située sur la Rive Gauche de la Cèze. Les véhicules sont amenés au Mont-Cotton et stockés sur l’esplanade tandis que les Sapeurs-Pompiers sont accueillis en ville où ils mettent en place un PC sécurité afin de coordonner les interventions.

La caserne située Avenue François-Mitterand sera finalement recouverte par les eaux de la Cèze.

Après la caserne, vient le tour des écoles, d’où les enfants et adolescents ont rapidement été renvoyés chez eux. Lorsque dans la matinée René Cret part en reconnaissance, la Route d’Avignon est submergée, les écoles sont inondées.

Et survient la première image marquante avec une dizaine de personnes bloquées au centre du Rond-Point Jean-Monnet (Rond-Point de l’Avenue de l’Europe). Une dizaine de personnes piégées par les eaux seront héliportées de ce seul îlot préservé des eaux.

Lundi 9 septembre – 11H :

L’ensemble des responsables de la Police, Gendarmerie, Sapeurs-Pompiers, DDE, CGE, EDF et des services techniques de la mairie, sont réunis dans une cellule de crise improvisée. Présidée par René Cret, le maire de l’époque, qui insiste sur le fait qu’il souhaitait “avoir autour de la table les responsables locaux de la Police, Gendarmerie, Pompiers … pour ne pas avoir à attendre les décisions venant de Nîmes”.

Lundi 9 septembre – 12H:

Le Pont Robert-Schuman est encerclé par les eaux, la Cèze atteindra sa côte la plus haute à 11 mètres 50 dans les heures qui suivent.

Une épine dans le pied de René Cret est particulièrement robuste, il s’agit des campings bagnolais qui refusent toujours d’évacuer en cette matinée du 9 septembre. Les négociations auront été longues et compliquées avant que les directions des campings de la ville acceptent de fermer et de faire évacuer leurs vacanciers.

Lundi 9 septembre -15H:

Le maire de Bagnols-sur-Cèze, René Cret qui était en contact permanent avec Danièle Tayolle, maire de Tharaux, reçoit l’information du début de la décrue de la Cèze. La Cèze commencera donc à baisser à Bagnols, une heure après. Et cette décrue fut aussi rapide que la crue qui la précédée, comme c’est souvent le cas avec la rivière.

Ce qui a été mis en place:

Durant cette nuit du 8 au 9 septembre et cette journée catastrophe du 9 septembre, la ville héberge 200 sinistrés aux Eyrieux ne pouvant plus rester à leur domicile en raison de la crue record de la Cèze.

Une compagnie de CRS a été envoyée à Bagnols par le Préfet Hugues, nommé à Nîmes en début d’été. Cet envoi de CRS a été décidé lors d’une rencontre sur une aire d’autoroute entre le Préfet Hugues et René Cret qui souhaitait rassurer la population contre d’éventuels pillages.

Le Bilan humain et matériel est lourd :

23 décès dont un homme de 84 ans à Bagnols-sur-Cèze, une femme de 46 ans à Saint-Laurent-des-Arbres et une femme de 34 ans et un homme de 74 ans à Chusclan.

Plusieurs ponts sont détruits, quatre maisons seront rasées dans Bagnols suite aux inondations.

200 emplois perdus avec la fermeture définitive des entreprises Casino et Cézane mais aussi l’usine Ciporex déjà en difficulté avant les inondations qui voit son sort achevé par cette crue historique.

Quelques Chiffres :

Cet évènement historique est caractérisé par de nombreux chiffres issus du rapport de retour d’expérience des Crues de Septembre 2002

Des précipitations inhabituelles: 687mm/24H

Une surface touchée inhabituelle: Au moins 400mm sur environ 1800 km² et plus de 600 mm sur 150 km² dans la région Languedoc Roussillon.

Par la disparité des précipitations: 635 mm à Saint-Christol les Alès et seulement 60 mm à Gallargues (situé à 40 km de Saint-Christol).

Images :

Témoignages :

Caroline (18 ans lors de la crue) et habitante de Goudargues en 2002:

Quels souvenirs gardez-vous du 8 septembre (veille des inondations)?

J’en garde un souvenir de chaque seconde. Le dimanche 8 septembre, j’avais une phobie du tonnerre et j’ai dormi avec ma maman. En réalité, on ne dormait pas, le ciel était illuminé par les éclairs, il y avait une forte pluie. C’était impossible de dormir.

Comment avez-vous découvert les inondations ?

Le matin du 9 septembre, je me prépare pour aller au lycée. De ma chambre je voyais le parking municipal.

En ouvrant mes volets, j’ai entendu la Cèze, ce bruit m’a marqué car il était vraiment plus important que d’habitude. En levant la tête j’ai vu le parking inondé.

Je réveille ma maman qui me dit que ce n’est qu’une flaque. On avait notre point de repère qui est la passerelle la Cèze. On décide donc d’aller voir ce qu’il se passe. La Cèze montait vite.

On a appelé les pompiers pour savoir si je pouvais aller en cours. Les pompiers nous annoncent une crue de 15 mètres à Tharaux donc je ne vais pas au Lycée Sainte-Marie.

On a mis les voitures à l’abri et déménagé le rez de chaussé. On a la chance d’avoir une maison à étage. Cela, nous a permis de sauver certaines affaires et de se réfugier à l’étage.

La Cèze est rentrée vers 9h30 dans la maison avec un pic de crue atteint vers 15h. Tout au long de l’après-midi, on comptait les marches avant que ça arrive en haut. L’eau s’est arrêtée à 1 marche et demi (environ 30cm) de l’étage. On a eu 2m20 d’eau dans la maison.

On entend les meubles qui bougent, on voit les voitures du garage Citroën emportées vers l’ancienne distillerie. Le lit de la Cèze et le parking faisaient appel. Du gaz, des piscines, voitures emportées.

Comment s’est passé l’après crue ?

Le plus terrible ça a été le lendemain de la crue. La force de l’eau a creusé 1m50 sous la voiture (jusqu’aux canalisation, nos meubles. On voyait les hélitreuillages des habitants de maisons de plein pied.

On a refusé de partir car l’eau montait moins vite et qu’on avait encore un grenier.

Quand on descend et qu’on voit nos affaires couvertes de limon et de déchets d’égouts c’est terrible. On essaie d’ouvrir la porte avec difficulté. La Cèze monte aussi vite qu’elle descend. J’ai voulu aller voir Goudargues, des voitures dans le canal, les commerçants avaient tout sorti. On se dit qu’on n’est pas les seuls. L’élan de générosité s’est mis en place et nous ont lavé le linge, ont essayé de sauver les albums photos. La sécurité civile est venue débarrasser les affaires. Faire sécher la maison a pris plus d’un an. C’est une épreuve. On ne sait pas quoi faire.

On vivait comme au camping. Et faire nos courses à la salle capitulaire, on se lavait à Cornillon dans de la famille.

Il faut le vivre pour se l’imaginer. Nous on l’a vécu de l’intérieur.

C’est un traumatisme à vie. Mes parents vivent toujours en bord de Cèze. Depuis 2002, je regarde en permanence vigicrue pour savoir s’ils sont en sécurité. A chaque annonce d’épisodes cévenols c’est pareil.

Jérôme Talon Président du syndicat SITDOM (Syndicat Intercommunal de Traitement des Déchets et Ordures Ménagères) et Premier Adjoint à la mairie de Tresques :

Jérôme Talon a été un des hommes de l’ombre mais au combien important durant les inondations de 2002 (Rémi Fagnon/ TV Sud)

Le SITDOM regroupait le traitement des déchets de 33 communes du département et a joué un rôle crucial dans cette crise naturelle que représentait les inondations du 9 septembre 2002.

Les inondations ont engendré de gros problèmes dans la collecte et surtout l’évacuation des déchets.

Jérôme Talon explique : “qu’il a fallu dans un premier temps organiser les équipages en fonction des salariés qui pouvaient ou non se rendre au travail le 9 septembre”.

Dans un second temps, la centrale de Saint-Nazaire étant privée d’électricité, la cadence était fortement réduite. Cependant, les prestataires ont été réactifs, et cela a permis d’assurer tout au long du sinistre et durant la période de nettoyage continu des services de ramassage.

La déchetterie située route de Vénéjan n’arrivant pas à suivre la cadence. Les déchets habituels étaient rejoints par de nombreux autres. Par exemple, le bois, les encombrants et tout ce que les gens jetaient lors du nettoyage de leurs habitations. Ainsi que les déchets et branches récupérées par les services municipaux au cours du nettoyage de la voie publique.

“On n’était pas préparé”, confie Jérôme Talon. Avant de préciser, “on ne s’en est pas si mal sorti et on a appris de ces évènements”.

Tout au long des évènements, les prestataires ont joué le jeu. Cela nous permettait de rassurer les collectivités et d’éviter une crise sanitaire en plus de la crise naturelle.

Une chose est sûre, l’intercommunalité a permis de ne laisser aucune commune dans l’embarras.

Un autre élu a été touché de plein fouet par cette catastrophe, il s’agit de Maxime Couston. Le carmignanais, raconte ces trois jours de peur et de travail avec une pointe d’émotion.

Présent dans sa maison à Carmignan, Maxime Couston regardait les éclairs et la pluie arriver le dimanche 8 septembre. Le désormais premier adjoint de la ville de Bagnols-sur-Cèze a vécu l’horreur et a tout perdu dans les inondations. Il explique que même si le temps fait son œuvre et efface petit à petit les cicatrices, les stigmates sont toujours présents notamment avec les traces de boues sur les pierres du garage.

Maxime Couston raconte avoir vu des ânes morts passer sous sa fenêtre avec des voitures emportées. Sa voiture, il l’avait déplacée pour la mettre à l’abri (dans un endroit inatteignable selon la crue de 1958). Sauf que ce que personne n’avait prévu, la crue de 2002 est plus importante et Maxime Couston perd tout.

Après la pluie vient le temps des constatations. Maxime Couston souligne l’efficacité des experts qui ont également joué un rôle important d’écoute des sinistrés.

Maxime Couston a lui aussi joué un rôle en consolant les habitants du hameau et en hébergeant certains pompiers venus en renforts plusieurs jours.

Enfin, il décrit une odeur d’eau et de mort tout comme le silence assourdissant qui a suivi la crue. Une sensation qui le marquera à jamais.

Documents d’archives officiels :

Document du Conseil Municipal en date du 11 février 2003 (Archives Municipales)
Répartition des subventions pour la reconstruction et la réparation des bâtiments endommagés par la crue de 2002 (Archives Municipales)

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