Entre fatigue, lassitude et manque de moyens, les médecins tirent la sonnette d’alarme à l’aube d’un nouveau mouvement de grève de grande ampleur
Ce vendredi 13 octobre, une mobilisation majeure débute au sein du corps médical. Médecins généralistes, urgentistes, infirmiers, aides-soignantes, et divers spécialistes tels que pédiatres, neurologues, cardiologues, radiologues, entament une grève reconductible qui fait consensus au sein de l’ensemble des représentations syndicales. Cependant, cette grève se distingue des précédentes dans le domaine médical, constituant un véritable cri d’alarme de la dernière chance, susceptible, en cas d’échec, d’avoir des conséquences majeures, selon plusieurs médecins. À cette occasion, le Docteur Elodie Le Buzullier, exerçant en médecine générale depuis 5 ans à Sauve, a accepté de partager son témoignage.
Des conditions de travail dégradées :
D’emblée, le Docteur Le Buzullier constate une détérioration significative des conditions de travail : “Ces cinq dernières années, l’accès aux soins s’est considérablement réduit, les délais augmentent et le temps que l’on peut consacrer à nos patients diminue.” Cette dégradation du système médical engendre selon t-elle “un véritable mal-être parmi les soignants qui souffrent moralement de ne plus prendre en charge dignement nos patients”.
Parmi les changements déplorables, notons la diminution du temps de consultation, passant de 30 à 15 minutes, voire moins dans certaines régions, l’allongement du temps d’attente entre chaque consultation, atteignant jusqu’à 6 mois par endroits, et une désertification médicale réelle avec le départ non remplacé de nombreux médecins à la retraite.
À un moment où la demande de professionnels de santé est cruciale, les cabinets médicaux ne sont plus en mesure d’accueillir de nouveaux patients. Le Docteur Le Buzullier explique : “on est obligé de dire non à des patients, lorsque, avec 1200 patients en moyenne chacun, dans une structure de 4 médecins, la sécurité sociale voudrait qu’on en prenne encore plus. Même les créneaux réservés aux urgences de dernière minute ne sont plus suffisants.”
Ajoutez à cela une charge administrative en constante augmentation. Le Docteur Le Buzullier confie y passer “deux heures par jour”. C’est un système médical et des soignants au bord du gouffre, fatigués, démotivés, et dont le taux de suicide n’a jamais été aussi élevé qui alertent sur une situation insoutenable.
Quelles solutions sont réclamées par les soignants ?
Face à cette situation d’extrême urgence, le Docteur Le Buzullier, porte-parole du collectif “Médecin pour Demain” dans le sud de la France, demande : “On veut que la profession devienne plus attractive, il faut encourager les médecins à se libéraliser et à s’installer sur le long terme dans des structures de ville.”
Elle dénonce : “On n’en peut plus du mépris du gouvernement et de la CNAM (Caisse Nationale de l’Assurance Maladie). On demande de la reconnaissance et du soutien. Actuellement, on fait face à une campagne institutionnelle de “doc bashing” durant laquelle on passe pour des fraudeurs. On nous pénalise même lorsqu’on fait notre travail et qu’on délivre des arrêts de travail ou des bons de transport. Afin de redonner ses lettres de noblesse à la profession, il faudrait diminuer la charge administrative et augmenter le prix de la consultation, qui devrait être à 38€ contre les 25€ actuels, si l’on se fie à l’inflation.
A quoi servirait une augmentation du prix de la consultation et qui serait impacté ?
C’est une revendication de longue date des médecins : “augmentez le tarif de la consultation !” Mais qu’est-ce qui se cache vraiment derrière cette demande ? Actuellement fixé à 25€, le tarif de la consultation médicale chez un médecin généraliste libéral n’est plus suffisant pour les médecins qui souhaiteraient le voir indexé sur l’inflation à minima. Cette indexation porterait le tarif de consultation à 38€.
L’objectif affirmé par les syndicats est que cette hausse n’impacte pas le train de vie des patients et soit entièrement remboursée par la sécurité sociale. En cas de refus par la CNAM, une partie serait couverte par les mutuelles, mais cela risquerait d’entraîner une hausse des tarifs des mutuelles, ce qui serait contre-productif, indique le Docteur Le Buzullier.
Lutter contre les Rendez-vous non honorés, le nouveau cheval de bataille !
En plus de l’engorgement des créneaux de consultation, un fléau s’est développé depuis la pandémie de la Covid-19 : les rendez-vous non honorés. Des patients prennent des rendez-vous, ne se présentent pas au cabinet, et prennent ainsi la place de patients ayant réellement besoin de voir le médecin. Le Docteur Le Buzullier en voit 2 à 3 chaque jour et explique : “Ces rendez-vous prennent la place d’autres patients. Il nous faut trouver des solutions contre ces patients-là, car l’oubli n’est malheureusement que très rarement le cas.”