GARD RHODANIEN: Grand débat autour des Harkis et de la politique mémorielle
L’agglomération du Gard rhodanien organisait ce samedi 15 octobre un débat sur les Harkis et la politique mémorielle au cœur du territoire. Réunis aux côtés de Jean-Christian Rey (Président de l’agglomération du Gard rhodanien), Marc-André (Chercheur en histoire), Fatima Besnaci-Lancou (essayiste, éditrice et docteur en histoire), Houria Delourme-Bentayeb (co-autrice du livre Ils ont dit NON à l’abandon des HARKIS : Désobéir pour sauver, Villemur-sur-Tarn), et Fatima Besnaci-Lancou ont évoqué pendant près d’1h30 les Harkis en deux parties. La première étant consacrée au passé des Harkis et à la définition du therme de Harkis et la seconde au présent des Harkis.
En introduction, Jean-Christian Rey a insisté sur l’importance de construire une politique publique mémorielle ici dans le Gard rhodanien et à Bagnols-sur-Cèze non loin du camp de Saint-Maurice. Le camp de Saint-Maurice ayant une histoire mémorielle très forte. En effet, ce camp situé sur la commune de l’Ardoise et fondé en 1961 accueillera de 1962 à 1976 des Harkis en tant que camp de transit et de reclassement.
Fatima Besnaci-Lancou et Houria Delourme-Bentayeb partagent un second point commun après celui de la co-écriture d’un ouvrage sur les Harkis. Il s’agit du parcours qui les a conduit à traiter ce sujet historique. En effet, les deux femmes se sont engagées par hasard dans cette cause. Fatima Besnaci-Lancou suite à la captation de nombreux témoignages Harkis. Houria Delourme-Bentayeb, arrivée sur le sol français en 1962 a quant-à-elle manifesté un véritable intérêt pour les harkis lorsqu’elle a enseigné à ses élèves d’Histoire-Géographie la Guerre d’Algérie. Elle a alors voulu poursuivre la transmission des mémoires des groupes Harkis. Expliquant se sentir « bien placée » pour permettre aux gens de réfléchir sur l’histoire.
Jean-Christian Rey, lui, explique avoir mis longtemps à comprendre ce qu’était un Harkis. Malgré ses études en histoire et la présence d’enfants d’Harkis dans sa classe, le président de l’agglomération a longtemps dissocié les Harkis de leurs descendants. Preuve s’il en était nécessaire que le terme de Harkis est encore mal défini. Et comme l’indique le président de l’agglomération, cette histoire doit trouver sa trace sur le territoire du Gard rhodanien.
A l’origine, le mot Harkis désigne les autochtones ayant servi pour la France durant la Guerre d’Algérie (1954-1962). Et tient sa signification du mot Harkis en arabe signifiant « Mouvement » au sens apolitique du terme de déplacement.
Les Harkis n’ont été que très longtemps considéré comme de simples travailleurs dans les rangs de l’armée française. Ils ne seront reconnus comme militaires que quatre mois avant les accords d’Evian mettant fin à la Guerre d’Algérie, le 18 mars 1962.
Les auxiliaires de l’armée françaises, dont faisaient partis les Harkis étaient composés de cinq catégories parmi lesquelles : les Harkis, les GMS et les GAD. Ces auxiliaires étaient souvent bénévoles et seuls les chefs étaient rémunérés avec un petit pécule pour combattre dans les rangs de l’armée française.
En sept an et demi, ce sont entre 250 000 et 300 000 hommes qui ont été recrutés par roulement au sein de l’armée française selon une étude de François-Xavier Hautreux.
Ces Harkis étaient principalement des ruraux (paysans, bergers, travailleurs chez des colons ou dans des familles riches). Cependant, il arrivait que des fils d’horlogers, bijoutiers, boulangers rejoignent également l’armée par choix.
Les Harkis français étaient séparés en deux groupes, les citoyens de droit commun ayant des droits nationaux et les citoyens de droit local, ayant des droits plus restreints se rapprochant du temps de la colonisation.
Les raisons de l’engagement de ces hommes sont multiples. Qu’il s’agisse d’un enrôlement de la part des forces française, d’un respect de loi de la part des légalistes qui étant sur le territoire français rejoignaient l’armée française ou encore en fonction des violences inhérentes de la Guerre où selon les jours et les violences de la veille, les Harkis rejoignaient à tour de rôle les indépendantistes si leur village avait été saccagé par les français et inversement rejoignaient les français lorsque des exactions étaient commises par les indépendantistes. Les anciens combattants de la seconde Guerre Mondiale et ceux ayant peur de s’opposer à la France ont également pris les armes pour la nation.
Les Harkis qui ont chacun une histoire singulière ont également eu un sort singulier après la Guerre.
Mais rappelons quelques dates clés de la Guerre d’Algérie :
- 1er novembre 1954 début de la Guerre d’Algérie
- 18 mars 1962 Accord d’Evian
- 3 juillet 1962 Proclamation de l’indépendance de l’Algérie par le Général De Gaulle
Mais comme le rappel Fatima Besnaci-Lancou, le sort des Harkis a été scellé par un rapport sur le rapatriement des Harkis datant de 1961. Disant que le rapatriement des Harkis en France à l’issue de la Guerre et en cas d’indépendance ne devait pas être envisagé.
En marge des accords d’Evian, des exactions ont été commises à l’encontre des Harkis avant que ces mêmes Harkis ne reçoivent une proposition d’engagement avec l’armée française que deux plus tard soit le 20 mars 1962. 1300 d’entre-eux s’engageront à ce moment-là.
C’est alors, que les Harkis vont être séparés entre ceux rapatriés (Français d’Algérie), ceux gardés dans des camps. Cette situation contraindra des autochtones à devenir algérien du jour au lendemain alors même qu’ils ont combattus pour la France et contre l’indépendance de l’Algérie.
60 ans après, les cicatrices de cet épisode noir de l’histoire de France sont encore visibles et vives. Et c’est seulement depuis 2001 qu’une vraie politique mémorielle a été mise en place par Jacques Chirac président de la République à l’époque. Ce dernier, lors d’un discours consacré aux Harkis avait dit: « L’histoire des Harkis ne peut pas rester enfouie ».
La journée nationale des Harkis fait partie de ce travail mémoriel et remplace les nombreuses mesurettes mises en place jusqu’ici. Mais l’agglomération du Gard rhodanien veut aller plus loin en touchant les jeunes et en transmettant en toute impartialité et sans idées reçues la mémoire des Harkis en mettant à profit les nombreux témoignages des Harkis encore vivants.
Pour cela, un projet de mémorial au camp Saint-Maurice de l’Ardoise est à l’étude et devrait voir le jour autour de la stèle d’hommage aux Harkis d’ici quelques années avec un grand travail historique réalisé autour de l’écriture d’un programme scientifique et culturel permettant de dresser le cadre tout en conservant la justesse des propos grâce au travail des historiens.