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Procès El Yaacoubi : 21 ans après les braquages, une condamnation à 5 ans de prison ferme

Le procès de Karim El Yaacoubi, accusé d’une série de braquages à main armée survenus entre décembre 2003 et février 2004, dans les communes de Pont-Saint-Esprit, Tresques, Mauguio, Montaren, Saint Christol les Alès, Uzes et Alès, s’est achevé ce mardi soir au tribunal de Nîmes après deux jours d’audience et moins de deux heures de délibération du jury. L’accusé a été condamné à cinq ans de prison ferme assortis de cinq ans d’interdiction de port d’arme, une peine bien en-deçà des dix années requises par l’avocate générale. Ce verdict marque la fin d’une longue procédure, durant laquelle Karim El Yaacoubi était absent (entre 2004 et 2024 et son arrestation en Espagne), et durant laquelle, Yazid Gelhami qu’El Yaacoubi a reconnu comme étant son complice a été innocenté il y a 10 ans. Cette journée marque également un tournant dans la vie des victimes, encore marquées par ces événements.

Une première journée d’audience sous le signe de la reconnaissance

Lundi, le procès a débuté par un moment fort : la reconnaissance des faits par Karim El Yaacoubi, qui avait nié toute implication durant plus de 20 ans. Dès le début de l’audience, il a plaidé coupable et présenté des excuses à la seule victime présente, affirmant : « Je suis désolé, désolé, désolé. J’étais un con et je m’en veux pour ce que j’ai fait. » Ces paroles, bien qu’émues, ont mis en lumière une amnésie partielle et un discours parfois évasif, notamment sur son rôle exact lors des braquages.

La première journée a également été consacrée à l’analyse de la personnalité de l’accusé. Les témoignages de Louiza El Yaacoubi, sa sœur, et de Mme Marchal, chargée de l’enquête de personnalité, ont révélé un homme marqué par un traumatisme d’enfance – l’amputation partielle de son pied droit à l’âge de 11 ans – et une jeunesse troublée par la toxicomanie et la délinquance. Karim El Yaacoubi a décrit un parcours de vie tumultueux, rythmé par des allers-retours en prison jusqu’à son départ pour l’Algérie en 2007, où il s’est marié, a fondé une famille et reconstruit sa vie.

Témoignages poignants des victimes

Mardi, les témoignages des victimes ont rappelé la violence des faits survenus il y a 21 ans. Françoise Thomas, ancienne propriétaire d’une station-service à Tresques, a raconté le braquage du 24 décembre 2003 : deux hommes à moto sont entrés dans la boutique, l’un restant à la porte tandis que l’autre exigeait la caisse. « Vingt ans après, j’ai encore peur quand je croise un motard », a-t-elle confié, soulignant l’impact psychologique durable de l’événement.

Claire Chapelle, ancienne caissière à Pont-Saint-Esprit, a livré un récit tout aussi émouvant. Elle a décrit la surprise de voir un pistolet glissé dans la trappe du terminal de paiement et la peur qui l’a envahie lorsqu’on lui a demandé de remettre tout l’argent. « J’ai cru à une blague au début, c’était inconcevable de se faire braquer dans une station avec si peu d’argent. » Traumatisée, elle a dû quitter son poste et changer de métier, trouvant un nouveau départ en devenant infirmière. En larmes lors de son témoignage, elle a exprimé sa difficulté à évoquer ces souvenirs, mais a reconnu que les excuses de l’accusé lui avaient permis de commencer à tourner la page.

La défense plaide pour une peine juste et proportionnée

Lors de sa plaidoirie, Me Monaq (photo) avocate de Karim El Yaacoubi, a mis en avant le changement de vie de son client depuis 2007, après son départ en Algérie. Elle a insisté sur le fait que l’homme jugé aujourd’hui n’était plus celui de 2003-2004 : « Vous allez devoir juger un homme pour ce qu’il était il y a 21 ans, mais aussi pour ce qu’il est aujourd’hui, un mari, un père, un homme réhabilité qui a reconstruit sa vie. »

Me Monaq a également pointé les limites des preuves matérielles et l’absence d’analyses ADN ou d’éléments confirmant certains témoignages. Elle a qualifié les braquages de faits graves mais amateurs, évoquant une équipe de « bras cassés » plus motivée par un besoin urgent d’argent pour financer leurs addictions que par un quelconque professionnalisme. Elle a conclu en demandant une peine qui permette à son client de retourner rapidement en Algérie pour reprendre le cours de sa vie.

Les réquisitions et le verdict

De son côté, l’avocate générale avait requis dix ans de prison, soulignant la gravité des actes, le traumatisme durable des victimes et l’impact sociétal des braquages à main armée. Elle a insisté sur la nécessité d’une peine exemplaire pour garantir la justice envers les victimes et rappeler l’importance de la loi.

Cependant, le jury a opté pour une peine de cinq ans de prison ferme et une interdiction de port d’arme pendant cinq ans, prenant en compte le cheminement personnel de l’accusé et son repentir. Enfermé derrière les barreaux de la prison de Villepinte depuis 11 mois, Karim Yaacoubi peut entrevoir une sortie à l’horizon 2028-2029.

Réactions après le verdict

À l’annonce du verdict, Me Monaq s’est dite satisfaite : « Il était important qu’il soit condamné, évidemment. Il a commis des actes qui ne sont pas excusables. Mais cette peine va lui permettre très rapidement, d’ici un an, de pouvoir envisager un aménagement de peine et reprendre le cours de sa vie. » Elle a également souligné que son client, après sa libération, retournerait en Algérie, où il a reconstruit sa vie depuis 17 ans.

Pour Me Font, avocate des parties civiles, l’essentiel était ailleurs : « L’important pour ma cliente, ce n’était pas la peine, mais de tourner la page. Elle voulait mettre un visage sur son agresseur, avoir une reconnaissance et des excuses. Aujourd’hui, elle va pouvoir avancer. »

Une conclusion marquée par l’humanité

Ce procès a permis de réconcilier, dans une certaine mesure, l’accusé et ses victimes. Les excuses de Karim El Yaacoubi et sa reconnaissance des faits ont offert aux victimes un soulagement et la possibilité de se reconstruire. Ce verdict, à mi-chemin entre sanction et réhabilitation, illustre la complexité de juger des faits aussi anciens tout en tenant compte des changements dans la vie des individus.

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