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“Procès El Yaacoubi : des excuses tardives pour des braquages vieux de 20 ans dans des stations services de Pont-Saint-Esprit et Tresques

Ce lundi 20 janvier s’est ouverte au tribunal de Nîmes la première journée du procès d’assises de Karim El Yaacoubi, accusé d’une série de vols à main armée. Né en 1975, il est suspecté d’avoir perpétré une dizaine de braquages dans des stations-service situées dans le Gard, le Vaucluse et l’Hérault, notamment à Saint-Christol-lès-Alès, Montaren, Pont-Saint-Esprit, Tresques, Bollène et Mauguio. Après vingt ans de dénégations constantes, l’accusé, qui comparaît sous haute surveillance, a décidé de plaider coupable. Une journée marquée par la désignation des jurés et le contraste entre le lourd passif criminel évoqué et l’attitude apparemment respectueuse de l’homme dans le box.

Exposé des faits

Entre le 24 décembre 2003 et le 3 février 2004, plusieurs vols à main armée ont été perpétrés par deux braqueurs circulant sur une moto Yamaha grise. Les premiers braquages, survenus le 24 décembre à Pont-Saint-Esprit et Tresques, ont conduit à l’intervention de la brigade de recherche de la gendarmerie de Bagnols-sur-Cèze, dirigée par l’enquêteur Jean-Philippe Delcos. Ce dernier, appelé à témoigner lors de l’audience, a rappelé les circonstances des faits décrits par le président du jury : deux individus cagoulés, gantés et casqués, dont l’un armé d’un revolver, s’en prenaient aux employés de stations-service, s’emparant de quelques centaines d’euros à chaque fois.

La moto utilisée pour ces braquages avait été volée dans la nuit du 21 au 22 décembre 2003 à un médecin alésien, aujourd’hui décédé. Lors de ce vol, trois casques et au moins deux combinaisons de moto avaient également disparu. Ces équipements ont été volés par Laurent Dorigny, un individu défavorablement connu des services de police, qui a admis les avoir échangés contre une plaquette de 200 grammes de résine de cannabis, d’une valeur de 2 000 euros, auprès de Karim El Yaacoubi et de son complice Yazid Ghelami.

Grâce à cet échange, El Yaacoubi et Ghelami ont pu commettre une série de braquages dans les stations-service du Gard, du Vaucluse et de l’Hérault, pour un préjudice total d’environ 3 000 euros en un mois et demi. Les témoignages recueillis par les enquêteurs ont décrit l’un des suspects comme un homme de type maghrébin, mesurant environ 1,80 mètre et ayant une jambe boiteuse. Ce détail a été confirmé lors du procès par l’évocation d’un accident survenu à Karim El Yaacoubi à l’âge de 11 ans, dans lequel il avait partiellement perdu l’usage de son pied suite à un incident dans un ascenseur de l’hôpital d’Alès. Cependant, cette blessure n’a pas fait l’objet d’analyses médicales spécifiques durant le procès.

Yazid Ghelami, quant à lui, a été décrit comme mesurant environ 1,70 mètre, de type mince. Son parcours judiciaire a été évoqué, notamment sa condamnation à huit ans de prison en 2013, portée à douze ans en appel en 2014, avant que l’arrêt ne soit cassé par la Cour de cassation en 2015. Il a finalement été acquitté lors d’un renvoi aux assises de l’Ardèche.

Après leurs méfaits en France, les deux hommes se sont rendus en Suisse, où ils ont été interpellés après plusieurs cambriolages. Lors de leur arrestation, la police helvétique a retrouvé des équipements correspondant à ceux utilisés lors des braquages en France, notamment des casques et des combinaisons de moto, ainsi que les clés de la moto Yamaha volée.

Interrogé sur sa fuite entre la Suisse, la France et l’Algérie, El Yaacoubi a expliqué qu’il avait travaillé dans l’illégalité en France avant de s’exiler en Algérie pendant 17 ans. Durant cette période, il aurait, selon ses dires, pris conscience de ses erreurs passées, tout en continuant à regretter ses actes. Il a affirmé que l’arme utilisée lors des braquages était factice, bien que le tribunal considère qu’il s’agit malgré tout d’une menace réelle.

Pour l’heure, Karim El Yaacoubi, qui encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle, est jugé pour sa participation à ces braquages, avec la présentation de nouveaux témoignages et rapports d’experts à l’appui.

Casier judiciaire de Karim El Yaacoubi

Karim El Yaacoubi est connu défavorablement des services de police depuis son adolescence. Dès l’âge de 19 ans, en octobre 1994, il est impliqué dans un premier refus d’obtempérer. L’année suivante, en 1995, un second refus d’obtempérer à Narbonne marque le début d’un casier judiciaire chargé. En mai de la même année, il est condamné à quatre ans de prison, dont un avec sursis, pour vol.

En 1996, Karim El Yaacoubi écope de deux ans de prison ferme pour trafic de stupéfiants, ainsi que de trois ans pour vol avec effraction. Sa carrière criminelle se poursuit en 2002, lorsqu’il est condamné à trois ans de prison pour détention d’une arme sans permis. Cette même année, il est arrêté pour conduite en état d’ivresse à Alès. Initialement condamné à deux mois pour délit de fuite en état d’ivresse, sa peine est portée à quatorze mois en appel.

En dehors des frontières françaises, El Yaacoubi est également arrêté et condamné. À Barcelone, en Espagne, et à Lausanne, en Suisse, il fait face à des accusations de violences et violations de domicile. En Suisse, il est condamné à cinq ans de prison et quinze ans d’expulsion du territoire.

En 2007, il est condamné à cinq ans de prison pour un vol aggravé remontant à 2003. L’année suivante, en 2008, il écope d’une peine supplémentaire de six mois d’emprisonnement. Malgré ses condamnations successives, El Yaacoubi n’a fait l’objet d’aucun rapport disciplinaire au cours de ses années de détention, une rareté soulignée dans son dossier.

Il a également été interpellé en Algérie pour des faits liés aux braquages actuellement jugés par la cour d’assises de Nîmes. Cependant, en raison d’un manque de coopération judiciaire, les autorités françaises n’ont jamais fourni le dossier demandé par leurs homologues algériens. Faute d’éléments suffisants, la justice algérienne l’a finalement reconnu innocent dans cette affaire.

Le parcours judiciaire de Karim El Yaacoubi témoigne d’une trajectoire criminelle marquée par des délits et crimes divers, en France comme à l’étranger, sur plusieurs décennies. Ces antécédents, évoqués au procès, éclairent en partie les faits qui lui sont reprochés aujourd’hui.

La journée a débuté par l’ouverture des débats, suivie de la présentation de l’identité de l’accusé, de la constitution du jury, et du rapport du président.

Concernant la personnalité de Karim El Yaacoubi, seuls Louiza El Yaacoubi, sa sœur, et Mme Marchal, en charge de l’enquête de personnalité, étaient présents. Mme Marchal a qualifié M. El Yaacoubi de respectueux et cordial lors de leurs entretiens. Elle a notamment évoqué les perceptions de difficultés financières dans la famille, qui, bien qu’évoquées par Karim El Yaacoubi, ont été réfutées par ses parents. Karim El Yaacoubi a, pour sa part, reconnu n’avoir jamais manqué de rien, ayant grandi dans un cadre familial où il se disait « gâté », partant régulièrement en vacances sur les terres d’origine algériennes et marocaines de ses parents.

Il s’est décrit comme un enfant turbulent, avec un point de bascule marqué à 11 ans, lors d’un accident à l’hôpital d’Alès. Il a également mentionné avoir commencé à consommer du cannabis à l’âge de 14-15 ans, au début des années 1990. Malgré un suivi éducatif mis en place à l’époque, il considère que ses effets sont arrivés trop tard.

La suite de la journée a inclus les témoignages de Louiza El Yaacoubi, ainsi que de Jean-Philippe Delcol, principal enquêteur de la brigade de recherche de Bagnols-sur-Cèze. En revanche, Laurent Dorigny, connu des services de police, ne s’est pas présenté. Selon les informations, il n’est actuellement pas en prison. Mme Belazzoug, victime d’un braquage à main armée avec violence à son domicile alésien, ne s’est pas non plus présentée devant la cour.

Les témoignages de Djilali Véronique et Nathalie Luciano ont ensuite clos cette première journée d’audience.

En fin de séance, Karim El Yaacoubi a pris la parole pour s’excuser auprès de la seule victime présente lors de ce procès, plus de 20 ans après les faits. Visiblement ému, il a répété à plusieurs reprises : « Je suis désolé, désolé, désolé. Je n’étais qu’un con et je m’en veux pour ce que j’ai fait. J’ai fait les choses bêtement. » Cette déclaration a marqué la conclusion de la première journée d’audience.

Réaction des avocates après la première journée du procès

Me Font, représentant les parties civiles, a souligné la difficulté de juger une affaire 20 ans après les faits. « C’est effectivement tard, car les victimes sont dispersées, certaines ne sont pas au courant ou n’ont jamais été informées des suites judiciaires », a-t-elle déploré. Elle a toutefois exprimé un soulagement face à la reconnaissance des faits par Karim El Yaacoubi, qu’elle a qualifiée de pas en avant important. Elle a insisté sur l’impact positif des excuses présentées par l’accusé à la seule victime présente, expliquant que cela lui avait permis de commencer à tourner la page : « Elle m’a dit que ça lui faisait du bien, qu’elle se sentait enfin soulagée après tant d’années. » Néanmoins, Me Font a pointé les zones d’ombre dans les déclarations de l’accusé, notamment sur son rôle précis dans les braquages, tout en admettant que l’amnésie, volontaire ou non, pouvait être liée au temps écoulé et à la consommation de drogues de l’époque.

De son côté, Me Mordaq, avocate de la défense, a mis en avant la prise de conscience de son client. Elle a expliqué que Karim El Yaacoubi avait décidé de plaider coupable peu avant l’audience, affirmant vouloir faire face à ses responsabilités après 20 ans de dénégations. « C’est une vraie prise de conscience, il m’a dit qu’il se rendait compte de l’impact de ses actes sur les victimes et qu’il ressentait le besoin de s’excuser. » Elle a également souligné le décalage entre le long délai judiciaire et la réhabilitation partielle de son client, qui a refait sa vie en Algérie. Selon Me Mordaq, cette tardive reconnaissance des faits traduit un effort sincère de Karim El Yaacoubi pour réparer, autant que possible, les torts causés.

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