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Deuxième journée d’assises du procès El Yaacoubi : entre témoignages poignants des caissières de Tresques et Pont-Saint-Esprit et analyses psychologiques

La première journée du procès de Karim El Yaacoubi, accusé d’une série de braquages à main armée en 2003-2004, a été marquée par des déclarations significatives. Le prévenu, après 20 ans de dénégations, a plaidé coupable, reconnaissant les faits et s’excusant auprès de la seule victime présente, un geste qui a profondément ému. Le jury a également entendu des témoignages sur la personnalité de l’accusé, décrite comme respectueuse par une enquêteuse, mais aussi marquée par une jeunesse tumultueuse et une consommation précoce de cannabis. Plusieurs témoins, dont l’enquêteur Jean-Philippe Delcol, ont éclairé le rôle de l’accusé dans les faits, tandis que des absences notables, comme celle de Laurent Dorigny et d’autres victimes, ont soulevé des interrogations sur les limites d’un procès tenu deux décennies après les faits.

Une analyse psychologique approfondie

La deuxième journée d’audience a débuté par l’intervention de Bertrand Phesans, expert en psychologie, qui a analysé le profil de Karim El Yaacoubi. L’expert n’a détecté aucune pathologie ou névrose, mais a souligné un discours évasif et parfois vindicatif envers la France, illustré par des propos tels que : « Les Français sont des fouteurs de merde. J’ai déjà été jugé en Algérie et j’ai été relaxé. » Le docteur Phesans a également relevé une forte addiction passée à l’alcool et à la drogue, utilisée pour apaiser des crises d’anxiété.

L’analyse a mis en lumière une jeunesse marquée par l’échec scolaire, une délinquance précoce et l’amputation partielle de son pied droit à l’âge de 11 ans, une blessure minimisée par l’accusé. La période des braquages correspondrait à une des rares phases de liberté dans sa vie, avant un exil de 17 ans en Algérie, où il s’est marié et a eu deux enfants après sa naturalisation en 2012. Feuzan a conclu que, bien qu’évasif, le discours d’El Yaacoubi ne semblait pas être inventé, ce qui laisse entrevoir une prise de conscience tardive.

Témoignages poignants des victimes

Les témoignages des victimes, encore marquées par les événements, ont rythmé la matinée. Françoise Thomas, ancienne propriétaire de la station-service Elf à Tresques, a relaté les faits du 24 décembre 2003, jour où deux hommes en moto ont braqué son établissement. Elle se souvient qu’ils étaient garés juste devant la boutique, un des assaillants se tenant près du comptoir, armé, tandis que l’autre restait à l’encadrement de la porte. « Vingt ans après, mes souvenirs ne sont pas précis. Je ne sais plus si les deux sont entrés ou si un seul l’a fait », a-t-elle confié. Elle a décrit une scène rapide et tendue, marquée par l’absence de violence physique, mais la peur omniprésente. Ce jour-là, la caisse a été vidée, laissant derrière elle un traumatisme durable. Françoise Thomas a également confié son inquiétude persistante face à la simple vue d’un motard, une peur qui, deux décennies plus tard, continue de la hanter : « Dès que je croise un motard, je ressens encore cette appréhension, comme si tout pouvait recommencer. »

Claire Chapelle, caissière dans une station-service Champion de Pont-Saint-Esprit, a également témoigné avec beaucoup d’émotion. Elle a décrit les faits du même jour, lorsque deux hommes sur une moto se sont présentés pour faire le plein d’essence. Pensant d’abord à une simple transaction ordinaire, elle a été surprise de voir l’un des hommes glisser un pistolet dans la trappe destinée au terminal de paiement, lui demandant de leur remettre l’argent de la caisse. « J’ai cru à une blague au début, c’était inconcevable que cela puisse arriver dans une station où il y avait si peu d’argent en caisse », a-t-elle expliqué. Elle se souvient leur avoir donné d’abord des billets de 50 euros avant qu’ils n’exigent tout ce qu’elle avait. Environ 400 euros ont été volés ce jour-là.

Cependant, le traumatisme pour Claire Chapelle ne s’est pas limité au vol. Elle a raconté qu’après le braquage, elle avait dû être évacuée aux urgences en raison du choc émotionnel, qui lui a valu une semaine d’arrêt de travail. « Je n’ai pas pu retourner à mon poste. Cela m’était devenu impossible. » Elle a finalement décidé de changer de métier, se réorientant vers une carrière d’infirmière, qu’elle considère comme une véritable thérapie pour surmonter cet épisode. Lorsqu’elle a évoqué ces souvenirs devant la cour, elle a éclaté en sanglots, témoignant de la douleur encore vivace causée par ces événements.

Ces deux témoignages, bien qu’espacés de vingt ans des faits, révèlent l’impact profond et durable des braquages sur les victimes, qu’il s’agisse de leur vie quotidienne, de leur santé mentale ou de leurs choix professionnels. Les descriptions de la peur, de l’appréhension et de la mémoire floue témoignent de la gravité de ces actes, même en l’absence de violence physique directe.

Un troisième braquage, survenu le même jour à Mauguio, a également été relaté à travers la lecture de témoignages. Dany Augeay, employée de la station, a décrit le comportement des braqueurs comme hésitant, qualifiant leurs actions de peu professionnelles. Elle a précisé que, malgré la tension, aucune violence physique n’avait eu lieu.

Interrogations sur les zones d’ombre

Face à ces récits, le président du jury a questionné Karim El Yaacoubi sur la capacité à effectuer trois braquages en une seule journée. Il a également évoqué les témoignages décrivant l’accusé comme l’homme tenant l’arme, ce qu’El Yaacoubi continue de nier, préférant insister sur son rôle de conducteur. L’accusé a parfois répondu de manière floue, renforçant l’impression d’un discours encore partiellement incomplet.

Cette deuxième journée a pour l’heure mis en évidence l’impact durable des braquages sur les victimes, tout en poursuivant l’analyse du rôle et de la personnalité de l’accusé. Les débats reprennent demain avec d’autres témoignages et expertises.

L’après-midi a été consacrée aux plaidoiries de Me Font (photo) avocate des Parties Civiles, de l’avocate générale et de Me Mordaq avocate de la Défense.

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