Hommage à Jean Justin Bonnefond : maison de retraite et course cycliste : quel rapport ?

À Bagnols-sur-Cèze et Laudun, le souvenir de Jean « Justin » Bonnefond, militant, mutualiste et passionné de vélo, continue de vivre.

Deux événements locaux, a priori sans lien, se répondent pourtant par la mémoire d’un même homme. Ce mardi, la maison de retraite mutualiste Jean Justin Bonnefond de Bagnols-sur-Cèze a fêté ses 20 ans d’existence. Et, hasard du calendrier, une course cycliste internationale, le Tour Cycliste Féminin de l’Ardèche, empruntait il y a quelques semaines le fameux Mur de Laudun. Deux hommages involontairement liés mais bien réels à un homme dont le nom, l’engagement et la passion ne doivent pas tomber dans l’oubli.

Un homme d’engagements

Jean Justin Lucien Bonnefond est né à Toulouse le 15 août 1927. Il aurait eu 98 ans cette année. Mais la vie de cet homme profondément engagé s’est arrêtée trop tôt, à 64 ans, le 7 décembre 1991, à Laudun, emporté par un cancer qu’il affronta avec courage.

C’est le travail qui le conduit dans le Gard rhodanien : salarié de Fiberglass à L’Ardoise, il s’y installe durablement. Militant infatigable, il s’engage sur tous les fronts : politique (communiste), municipal (élu à Laudun), syndical (CGT), mutualiste (Mutuelles de France) et associatif, notamment dans le sport cycliste.

Issu de cette génération d’après-guerre qui a vu naître la Sécurité sociale et les grandes conquêtes sociales, Jean Bonnefond croit en la solidarité. Il participe activement à la gestion des mutuelles locales, notamment la Mutuelle des travailleurs de Marcoule et de L’Ardoise, étroitement liée à la Sécurité sociale. Lorsque les regroupements imposent des fusions, il reste fidèle à l’esprit d’origine : celui d’une protection sociale pour tous, sans but lucratif.

Le cycliste et le militant

Au-delà de ses engagements, le vélo était sa passion. Coureur, organisateur, dirigeant de club, il sillonnait les routes de la région. Même après avoir pris une préretraite, il restait actif, répétant volontiers qu’il avait accepté son départ anticipé parce que « deux anciens partis, trente jeunes avaient été embauchés ».

Mais en pleine vitalité, la maladie le rattrape. Lors de la cyclosportive Tavel-Mont Bouquet-Tavel, il ressent un essoufflement anormal : le diagnostic tombe, cancer du poumon. Hospitalisé à Montpellier, suivi par le professeur François-Bernard Michel – natif de Bagnols –, Jean Bonnefond ne se laisse pas abattre. Entre deux traitements, il enfourche son vélo sur les routes du Pic Saint-Loup.

En 1987, en rémission, il entreprend un pari fou : un « Tour de France pour la santé », long de 7 200 km, pour sensibiliser à la lutte contre le cancer. Soutenu par les Mutuelles de France et Alain Dutto, il boucle son périple en 40 jours et 38 étapes. À son retour à Laudun, l’accueil est triomphal. Il en tirera un livre : Jusqu’à mon dernier souffle…

Son ami Didier Pic, qui l’accompagnait, lui donnera un surnom resté dans les mémoires : Jean « Justin » Bonnefond. Un prénom qui sonne juste, comme un symbole de chaleur et d’humanité.

Le legs d’un homme de cœur

Quand la maladie l’emporte en 1991, Jean « Justin » Bonnefond pense encore aux autres. Il fait don de sa maison de Laudun aux Mutuelles de France pour en faire une maison de retraite. Si le bâtiment ne répondait pas aux normes nécessaires, son vœu fut respecté : la vente de sa demeure a permis de financer la construction d’un établissement à Bagnols-sur-Cèze.

Grâce à la détermination de ses camarades mutualistes – Dominique Seguin, Alain Dutto et Michel Soret –, le projet aboutit. Le 23 juin 2005, quatorze ans après sa disparition, la maison de retraite Jean Justin Bonnefond est inaugurée.

Aujourd’hui, l’établissement compte 66 places et appartient au groupe Oxance, qui gère 130 structures à but non lucratif dans 17 départements. Fidèle à l’idéal mutualiste, la maison fonctionne sans objectif financier, mais dans un esprit de solidarité et de respect des résidents – à mille lieues des dérives dénoncées dans le secteur lucratif.

Ce mardi 7 octobre, l’établissement a fêté ses 20 ans, en présence d’anciens, de soignants et de mutualistes qui perpétuent le message de son fondateur.

Le « Mur de Laudun », héritage sportif

Mais Jean « Justin » Bonnefond n’a pas seulement laissé une trace sociale : il a aussi marqué le cyclisme régional. Organisateur passionné, il est à l’origine du célèbre Mur de Laudun, une montée courte mais redoutable (515 m, 6,9 % de moyenne, 10,8 % au plus fort), ajoutée en 1983 au parcours du Tour du Gard cycliste FSGT. L’idée plaît tellement qu’elle est reprise dès 1985 par les organisateurs de l’Étoile de Bessèges, puis par les Six jours féminins de Saint-Ambroix.

Le 9 septembre 2025, plus de quarante ans après sa création, les coureuses du Tour Cycliste Féminin International de l’Ardèche graviront à leur tour ce mur mythique, perpétuant l’héritage sportif de celui qui en fut l’« inventeur ».

Une mémoire vivante

Plus de trente ans après sa mort, le nom de Jean « Justin » Bonnefond réunit encore les valeurs qu’il a incarnées : la solidarité, l’engagement, le courage et l’amour du sport.

Qu’il s’agisse de la maison de retraite qui porte son nom ou du Mur de Laudun que les cyclistes continuent de gravir, son esprit souffle toujours sur le Gard rhodanien.

Parce qu’il a vécu “jusqu’à son dernier souffle” pour les autres, Jean “Justin” Bonnefond mérite de rester dans nos mémoires.