DOSSIER — « Pluies intenses et inondations : l’État en alerte pour protéger le Sud »
Vendredi 19 septembre 2025, le Centre zonal opérationnel de crise de Marseille a accueilli une conférence de presse consacrée au lancement de la campagne nationale de prévention des pluies intenses et des inondations. Sous la présidence de Georges-François Leclerc, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et préfet de la zone de défense et de sécurité Sud, plusieurs hauts responsables de la gestion des risques étaient réunis pour alerter sur l’importance de la vigilance à l’approche de l’automne méditerranéen, période traditionnellement marquée par des épisodes cévenols et des crues soudaines. Aux côtés du préfet, Julien Marion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques, et l’inspecteur général Jean-Yves Noisette, chef de l’état-major interministériel Sud, ont présenté les dispositifs de prévention, les moyens opérationnels et les comportements à adopter face à ce danger récurrent. Devant eux, plusieurs experts issus de Météo-France, de l’AFPCNT, du centre CYPRÈS et de la DREAL ont apporté leur expertise pour rappeler que l’enjeu est collectif : renforcer la mémoire du risque, sensibiliser la population et préparer les territoires aux événements climatiques extrêmes dont la fréquence et l’intensité tendent à s’accroître avec le réchauffement climatique.
1. L’histoire des crues : quand la mémoire nourrit la prévention
La France méditerranéenne vit depuis des siècles au rythme des crues et des pluies intenses. Ces phénomènes, que les scientifiques qualifient d’épisodes cévenols ou méditerranéens, ne sont pas des anomalies ponctuelles mais bien des réalités climatiques structurelles. Ils façonnent les paysages, les infrastructures et les vies humaines, et constituent une mémoire collective parfois vive, parfois enfouie, mais toujours déterminante pour l’avenir.
Dans la mémoire des populations, certains épisodes se distinguent comme des cicatrices indélébiles. En 1940, les Pyrénées-Orientales connaissent une catastrophe restée gravée dans l’histoire : plusieurs centaines de millimètres de pluie s’abattent en quelques heures, transformant villages et vallées en torrents déchaînés. Plus près de nous, l’épisode de Nîmes en octobre 1988 reste l’un des plus marquants du XXe siècle. La capitale gardoise, pourtant située en retrait du littoral, reçoit en quelques heures près de 420 millimètres de pluie. Les rues se transforment en rivières, les parkings souterrains se remplissent d’eau en quelques minutes et la ville se retrouve piégée par des trombes d’eau d’une intensité rare. Douze personnes perdent la vie, des milliers de sinistrés voient leurs biens détruits, et l’épisode devient un cas d’école pour comprendre la vulnérabilité des zones urbaines aux pluies méditerranéennes.
La fin du siècle et le début du XXIe siècle ne seront pas plus cléments. Vaison-la-Romaine, dans le Vaucluse, connaît en 1992 une tragédie effroyable avec 47 morts, lorsque l’Ouvèze sort de son lit dans un déchaînement de boue et de débris. Sept ans plus tard, en novembre 1999, l’Aude vit une catastrophe majeure : 35 morts, plus de 400 blessés et des dégâts évalués à 3,5 milliards d’euros. Les images des villages submergés, des voitures entassées dans les rues et des maisons emportées par les flots resteront gravées dans l’opinion publique.
Le Gard, déjà frappé en 1988, est de nouveau durement touché en septembre 2002. En deux jours, l’équivalent de plusieurs mois de pluie s’abat sur les Cévennes et la vallée du Rhône. Deux cents communes sont déclarées sinistrées, 23 personnes décèdent, dont certaines dans leur véhicule, emportées par des torrents soudains. Le traumatisme est immense, notamment à Alès, Anduze, Remoulins ou Bagnols-sur-Cèze. Cette crue marque un tournant dans la prise en compte des risques, avec un renforcement des Plans de Prévention des Risques Inondations et la mise en place de Programmes d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI) dans plusieurs bassins.

Les années suivantes ne seront pas épargnées. En juin 2010, le département du Var connaît une catastrophe d’ampleur nationale dans le secteur de Draguignan : 23 morts, des milliers de maisons détruites, des habitants pris au piège dans leurs caves ou leurs parkings. En octobre 2015, les Alpes-Maritimes subissent une crue torrentielle dans la vallée de la Brague, avec vingt victimes, la plupart emportées alors qu’elles tentaient de sauver leur véhicule. Cinq ans plus tard, la tempête Alex dévaste la Vésubie et la Roya en octobre 2020. Des routes entières disparaissent, des ponts sont emportés, des hameaux sont isolés pendant des semaines.
À travers ces catastrophes, une constante se dessine : les populations les plus exposées sont souvent celles qui vivent depuis longtemps dans ces territoires, et qui connaissent pourtant les risques. Comme l’a souligné l’inspecteur général Jean-Yves Noisette, « quatre victimes sur cinq habitent dans la commune touchée ou dans une commune voisine. Il ne s’agit pas de touristes de passage, mais de riverains qui sous-estiment le danger ».
Cette mémoire tragique est pourtant un outil essentiel de prévention. Les territoires marqués par une crue meurtrière entretiennent une vigilance plus forte, organisent des commémorations, conservent des repères de crues sur les murs des mairies ou des églises. Mais dans les zones qui ont été épargnées, la vigilance s’émousse, la conscience du risque s’atténue et les comportements dangereux resurgissent.
Le préfet Georges-François Leclerc, lors du lancement de la campagne nationale 2025, a insisté sur cette notion : « La mémoire du risque est déterminante. Là où les drames se sont produits, chacun se souvient. Mais ailleurs, la vigilance disparaît, et les comportements dangereux réapparaissent. » C’est pourquoi, au-delà des outils techniques et des dispositifs de secours, il est indispensable de cultiver une mémoire partagée des catastrophes passées. Elle seule peut rappeler que le risque, même oublié, peut resurgir à tout moment.
2. Les gestes à adopter : la pédagogie de l’urgence
Face à une inondation, tout se joue en quelques minutes. Les décisions prises au moment critique peuvent sauver une vie ou, au contraire, précipiter une tragédie. Les autorités insistent depuis plusieurs années sur l’importance des bons comportements, qu’il s’agisse de se protéger soi-même, de protéger ses proches ou de faciliter l’action des secours.
Le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, Julien Marion, l’a rappelé avec insistance : « Avant même l’intervention des secours, ce qui compte, c’est le comportement de chacun. » Ces gestes simples sont martelés à travers les campagnes de communication, diffusés dans les médias, expliqués dans les écoles et répétés lors des réunions publiques.
Le premier réflexe, celui qui sauve le plus de vies, est de ne pas se déplacer. Une inondation n’est pas un spectacle ni une curiosité à observer, mais un danger immédiat et mortel. Trop souvent, des habitants sortent pour « voir la crue », prendre des photos, rejoindre un proche. Ces comportements multiplient les risques et mobilisent inutilement les secours. Rester chez soi, à l’étage si possible, constitue la mesure la plus sûre.
Le second geste est de se réfugier en hauteur. Dans une maison, cela signifie monter à l’étage, dans un immeuble, rester dans les étages supérieurs, à distance des sous-sols et des parkings. Le message officiel est clair : il ne faut jamais descendre dans une cave ou un garage lorsque l’eau monte. C’est dans ces lieux clos que de nombreuses victimes ont été retrouvées, piégées par une montée brutale et imprévue des eaux.
Le troisième réflexe consiste à rester informé. Dans une crise, les autorités diffusent régulièrement des consignes à travers la radio, les réseaux sociaux institutionnels, les SMS préfectoraux, ou encore les sirènes communales. Écouter la radio locale, disposer d’une radio à piles dans son foyer, permet de rester en lien avec l’extérieur même en cas de coupure d’électricité.
Au-delà de ces comportements immédiats, la pédagogie de l’urgence insiste sur la préparation. Le gouvernement recommande à chaque foyer de disposer d’un « kit d’urgence 72 heures ». Inspiré des pratiques nord-américaines, ce kit doit permettre de vivre trois jours en autonomie, le temps que les secours organisent leur action. Il contient de l’eau potable, des aliments non périssables, une radio, une lampe torche, des papiers d’identité, une trousse de premiers secours, des médicaments indispensables, ainsi que des vêtements secs. Lors de la conférence de presse, un témoignage illustrait son utilité : Sarah, victime d’une inondation dans la Drôme en 2020, expliquait que ce kit lui avait permis, avec sa famille, de tenir plusieurs heures sans aide extérieure.
Dans le Gard, certaines communes distribuent des guides pratiques qui détaillent ces gestes, rappellent les numéros utiles et proposent des exercices de mise en sûreté. Les écoles, de leur côté, organisent régulièrement des exercices : les élèves apprennent à rester groupés, à suivre les consignes des enseignants, à se réfugier dans les étages. Comme l’a souligné le chef de l’Etat-major interministériel Sud , il est essentiel que les jeunes générations soient sensibilisées, car elles deviennent des relais auprès des adultes. À l’image de la sécurité routière, où les enfants rappellent à leurs parents de boucler leur ceinture, la prévention des risques d’inondation doit devenir une culture transmise par les plus jeunes.
La pédagogie repose aussi sur des témoignages. Les campagnes nationales de prévention diffusent des vidéos où des sinistrés racontent leur expérience : une mère qui a préparé un kit d’urgence, un père qui a renoncé à aller chercher ses enfants à l’école et qui a ainsi évité le drame, une famille qui a trouvé refuge à l’étage. Ces récits incarnent la réalité et marquent davantage les esprits qu’un simple slogan.
Enfin, la pédagogie de l’urgence insiste sur la solidarité. En cas de crise, chacun doit penser à ses voisins, notamment les plus vulnérables : personnes âgées, familles isolées, personnes handicapées. Prévenir, proposer une aide, s’assurer que chacun est en sécurité, fait partie intégrante des bons comportements. Les inondations rappellent à chaque fois que la survie est collective autant qu’individuelle.
3. Les comportements à proscrire : 98 % des décès évitables
Les inondations méditerranéennes ne sont pas seulement meurtrières en raison de la violence des pluies ou de la brutalité des crues. Elles le sont aussi parce que trop souvent, les habitants adoptent des comportements qui les mettent directement en danger. Julien Marion a livré un chiffre glaçant : 98 % des décès constatés au cours des trente dernières années sont liés à trois comportements interdits. Ces comportements sont connus, répétés, mais continuent de se produire.
Le premier, le plus fréquent et le plus dramatique, est la prise du volant. Beaucoup de victimes trouvent la mort dans leur voiture, emportées par quelques dizaines de centimètres d’eau. Un véhicule, même lourd, n’a aucune stabilité dans un courant. Les crues emportent des voitures comme des fétus de paille, parfois avec leurs passagers encore à l’intérieur. Dans les Alpes-Maritimes en 2015, plusieurs personnes sont mortes noyées dans leur garage en tentant de sauver leur voiture. Dans le Gard en 2002, de nombreux habitants ont péri dans leur véhicule, surpris par la montée soudaine des eaux.

Le second comportement à proscrire est la marche dans une zone inondée. Quelques centimètres d’eau suffisent à déséquilibrer un adulte. La force du courant est souvent sous-estimée, surtout lorsqu’il transporte des débris, des branches, des pierres. Trop de victimes ont été retrouvées dans des rues transformées en torrents, alors qu’elles avaient simplement voulu rejoindre un proche ou observer la crue.
Le troisième comportement dangereux est la descente dans une cave ou un parking. C’est un réflexe fréquent : aller sauver sa voiture, protéger des biens stockés en sous-sol, vérifier une chaudière. Mais c’est aussi une des causes les plus fréquentes de décès. Une cave se remplit en quelques minutes, et une fois la porte fermée, il devient impossible de ressortir. Les pompiers ont retrouvé trop souvent des victimes piégées dans ces espaces clos, où la montée brutale des eaux ne laisse aucune chance.
Ces comportements ne sont pas le fruit de l’ignorance, mais de la banalisation du risque. Beaucoup considèrent qu’une vigilance orange n’est pas grave, qu’elle ne les concerne pas. Le préfet Leclerc a insisté sur ce point : une vigilance orange peut se transformer en vigilance rouge en quelques heures, et une alerte orange peut provoquer une catastrophe. L’exemple de l’octobre 2015 dans les Alpes-Maritimes, où une alerte orange a suffi à provoquer vingt décès, est un rappel douloureux de cette réalité.
Les psychologues parlent de « biais de normalité » : les individus pensent que rien de grave ne leur arrivera, que les autorités exagèrent, que les consignes ne s’appliquent pas à leur cas particulier. Certains veulent protéger leurs biens, d’autres minimisent la puissance de l’eau. Mais ces comportements coûtent chaque année des vies.
Un autre comportement à proscrire est le contournement des barrages routiers. Trop souvent, des automobilistes tentent de passer malgré l’interdiction, persuadés qu’ils sauront évaluer le danger. Ces gestes mettent en péril non seulement leur vie, mais aussi celle des secouristes qui devront intervenir. « Les barrages ne sont pas posés pour embêter la population, mais pour sauver des vies », a rappelé le préfet Leclerc.
La prévention doit donc insister sans relâche sur ces comportements interdits. Les campagnes nationales, les affiches locales, les vidéos pédagogiques, tout converge vers ce message : la survie dépend moins de la violence de la pluie que de la capacité de chacun à éviter ces trois erreurs mortelles.
4. Les outils pour alerter : de Météo France à FR-Alert
Les inondations méditerranéennes sont brutales, mais elles ne sont pas imprévisibles. Grâce aux progrès scientifiques et technologiques, les autorités disposent aujourd’hui d’outils de prévision et d’alerte bien plus précis qu’il y a trente ans. La difficulté n’est plus seulement de prévoir, mais de convaincre les habitants de prendre les alertes au sérieux.
Météo France publie chaque jour une carte de vigilance mise à jour deux fois, à 6 heures et à 16 heures. Elle distingue plusieurs niveaux de risque, du vert au rouge. Le jaune correspond à une situation à surveiller, l’orange à un phénomène dangereux qui nécessite une vigilance accrue, et le rouge à un danger exceptionnel qui appelle des mesures de sauvegarde immédiates. Trop souvent, la vigilance orange est banalisée, perçue comme un simple avertissement sans conséquence. Pourtant, de nombreux drames se sont produits sous vigilance orange.

En complément, le site Vigicrues permet de suivre l’évolution des cours d’eau en temps réel. Les habitants du Rhône, de la Cèze ou du Gardon peuvent consulter en direct les niveaux, recevoir des alertes et anticiper les crues. C’est un outil accessible à tous, mais encore trop peu utilisé par le grand public.
Depuis 2022, le dispositif FR-Alert renforce considérablement la capacité d’alerte. En cas de menace grave, un message est envoyé sur tous les téléphones présents dans une zone géographique définie. Ce message est accompagné d’un signal sonore puissant, qui retentit même si le téléphone est en mode silencieux. L’expérience des feux de forêt de 2023 a montré son efficacité : des milliers de personnes ont été averties en quelques minutes. Appliqué aux inondations, FR-Alert permet de prévenir les habitants avant que les eaux n’arrivent.
D’autres dispositifs existent. Vigicrues Flash, développé par Météo France et le ministère de la Transition écologique, permet de prévoir les crues soudaines dans les petits bassins versants. Le service APIC (Avertissement Pluie Intense à l’échelle des Communes) donne une estimation du cumul de précipitations attendu. Ces outils permettent aux élus locaux et aux services de secours d’anticiper les interventions.
Au niveau local, les préfectures envoient également des SMS aux élus, organisent des conférences de presse, mobilisent les radios locales. Certaines communes utilisent des sirènes ou des applications mobiles pour informer directement leurs habitants.
La difficulté reste l’adhésion de la population. Trop souvent, les habitants considèrent que « ce n’est pas pour eux ». Comme l’a rappelé le préfet Leclerc, une alerte orange peut devenir rouge en pleine nuit, et la prévision météorologique reste une science complexe. La pédagogie doit donc accompagner la technologie, afin que chaque habitant comprenne l’importance de ces alertes et adapte son comportement en conséquence.
5. Les moyens de lutte : l’organisation des secours et de la prévention
Lorsque l’inondation survient, l’ensemble de la chaîne de sécurité civile se met en marche. Les premiers acteurs sont les maires, responsables de la sécurité de leurs administrés. Ils activent leur Plan Communal de Sauvegarde, alertent la population et coordonnent les moyens locaux. Les sapeurs-pompiers, regroupés dans les SDIS, interviennent immédiatement pour secourir les personnes en danger. Dans le Gard, le SDIS 30 dispose d’équipes spécialisées dans le sauvetage aquatique, formées pour intervenir dans des conditions extrêmes.
Si la crise dépasse les capacités locales, l’échelon zonal prend le relais. Le préfet de zone Sud, basé à Marseille, coordonne les renforts. Le 7e régiment d’instruction et d’intervention de la sécurité civile, basé à Brignoles, peut déployer en quelques heures une colonne de 70 sauveteurs spécialisés dans les inondations, avec leurs moyens matériels et logistiques. Ces unités sont capables de se projeter rapidement dans les zones les plus touchées.
Les moyens aériens jouent un rôle crucial. Les « dragons » de la sécurité civile, six hélicoptères basés dans la zone Sud, permettent d’évacuer les habitants isolés, de transporter des blessés, d’acheminer du matériel. Ces appareils sont en cours de modernisation, et d’ici la fin de l’année 2025, tous seront remplacés par de nouveaux modèles plus performants.
La réserve nationale de la sécurité civile complète ces dispositifs. Elle dispose aujourd’hui d’une capacité de pompage de 41 300 mètres cubes par heure, renforcée après les inondations du Pas-de-Calais en 2023 et 2024. Ces moyens permettent d’assécher rapidement des zones inondées, de protéger des infrastructures sensibles, de remettre en état des réseaux essentiels.
L’armée peut également être mobilisée en cas de catastrophe majeure. Le préfet Leclerc a rappelé avoir assisté à des interventions déterminantes de l’armée de terre, notamment lors d’épisodes où les moyens civils étaient dépassés. Les hélicoptères militaires viennent souvent prêter main-forte aux secours civils.
Au-delà de la gestion de crise, les moyens de lutte comprennent aussi la prévention. Depuis 2011, 93 Programmes d’Actions de Prévention des Inondations ont été lancés sur le pourtour méditerranéen, pour un montant total de 1,6 milliard d’euros. Ces programmes financent des ouvrages de rétention, des digues, des recalibrages de rivières, mais aussi des actions de sensibilisation. Dans le Gard, plusieurs PAPI concernent le Vidourle, le Rhône aval ou la Cèze.
La lutte contre les inondations repose donc sur une organisation complète, du niveau communal au niveau national, et sur une articulation entre prévention et intervention. Mais comme le rappellent les autorités, ces moyens ne suffisent pas si la population n’adopte pas les bons comportements.
6. La culture du risque : apprendre à vivre avec l’eau
Au-delà des outils techniques et des moyens de secours, la clé réside dans la construction d’une véritable culture du risque. Apprendre à vivre avec l’eau, accepter que les inondations font partie de la réalité méditerranéenne, et développer des réflexes individuels et collectifs, voilà l’enjeu des prochaines années.
La culture du risque commence par l’information. Chaque commune doit disposer d’un Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs, accessible aux habitants. Les Plans Communaux de Sauvegarde, obligatoires dans les zones exposées, doivent être régulièrement mis à jour et testés à travers des exercices. Dans le Gard, l’objectif est que 100 % des communes concernées disposent de ces outils d’ici fin 2025.
La culture du risque passe aussi par l’éducation. Depuis la loi de 2004, les écoles et collèges doivent sensibiliser les élèves aux risques majeurs. Des modules sont intégrés aux programmes, des exercices sont organisés, des associations viennent témoigner. Les enfants deviennent des vecteurs de transmission auprès de leurs parents.
Chaque 13 octobre, la Journée nationale de la résilience mobilise institutions, associations, entreprises et écoles. Des ateliers, des conférences, des exercices grandeur nature sont organisés. L’objectif est de diffuser largement les bons réflexes et d’impliquer l’ensemble de la société.
Les associations jouent un rôle essentiel. La Croix-Rouge, la Protection civile, mais aussi l’Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques participent à la diffusion de supports pédagogiques, à la formation des habitants, à l’accompagnement des sinistrés.
Le changement climatique accentue l’urgence. Comme l’a rappelé l’inspecteur Noisette, la dernière décennie a connu deux fois plus d’événements meurtriers que les vingt années précédentes. Les épisodes cévenols sont plus fréquents, plus intenses. Les températures de la Méditerranée, plus élevées, favorisent l’évaporation et donc l’intensité des pluies. Il ne s’agit pas d’un risque en voie de disparition, mais d’un phénomène appelé à s’intensifier.
La culture du risque doit donc devenir une seconde nature. Comme on apprend à boucler sa ceinture en voiture, comme on apprend à évacuer un bâtiment en cas d’incendie, chacun doit intégrer les gestes à adopter en cas d’inondation. C’est un effort de long terme, qui demande de la pédagogie, de la répétition et de la mémoire.
7. Le cas particulier du Gard : un territoire en première ligne
Le Gard est l’un des départements les plus exposés de France aux inondations méditerranéennes. Sa géographie, entre Cévennes et vallée du Rhône, le rend particulièrement vulnérable aux épisodes cévenols. Les rivières comme la Cèze, les Gardons, le Vidourle, mais aussi le Rhône aval, connaissent régulièrement des crues soudaines et dévastatrices.
L’épisode de 2002 reste le plus marquant. En deux jours, des pluies d’une intensité exceptionnelle s’abattent sur le département. Deux cents communes sont touchées, 23 personnes décèdent, des infrastructures sont détruites, des habitations sont emportées. Le traumatisme est immense, et il marque un tournant dans la politique de prévention. Depuis, le Gard a investi massivement dans la protection.
Plusieurs PAPI (Programme d’Actions de Prévention des Inondations) ont été mis en place. Le PAPI Vidourle, le PAPI Rhône aval, le PAPI Cèze financent des ouvrages de rétention, des recalibrages de rivières, des aménagements urbains. Le département a également renforcé les Plans de Prévention des Risques Inondations, qui encadrent strictement l’urbanisation en zone inondable.
Le Gard a aussi développé une forte culture de la sensibilisation. Les communes organisent des réunions publiques, distribuent des brochures, affichent des repères de crues. Les écoles participent à des exercices. Des associations locales interviennent pour rappeler la mémoire des catastrophes passées.
Pourtant, le risque demeure élevé. Les sols calcaires, souvent secs, favorisent le ruissellement. L’urbanisation, parfois anarchique, augmente la vulnérabilité. Les habitants, malgré la mémoire de 2002, ont parfois tendance à oublier la force de l’eau.
Le préfet Leclerc l’a rappelé : « Le Gard est un département particulièrement concerné. La mémoire de 2002 reste vive, mais il faut la transmettre, l’entretenir, et surtout la traduire en comportements quotidiens. »
Les autorités locales insistent également sur la nécessité d’achever la couverture en Plans Communaux de Sauvegarde. Certaines communes n’en disposent pas encore, malgré le risque avéré. L’objectif est que toutes soient prêtes d’ici fin 2025.



