Entretien avec le chef de corps du 1er REG de Laudun-l’Ardoise : le bilan de l’année 2024 et les perspectives pour 2025

À l’issue d’une année marquée par de nombreux engagements opérationnels, le chef de corps du 1er Régiment Étranger de Génie (1er REG) de Laudun-l’Ardoise dresse le bilan de 2024 et évoque les perspectives pour 2025. Dans cet entretien, il revient sur les déploiements en outre-mer, la participation aux Jeux Olympiques de Paris, la montée en puissance du régiment et les défis stratégiques à venir.
Un bilan 2024 marqué par des engagements multiples
Mon colonel, bonjour, merci de m’accorder cet entretien. On va rentrer directement dans le vif du sujet avec le bilan de 2024. Quelles ont été les missions importantes sur cette année écoulée ?
De 2024, je retiens deux aspects majeurs. Le premier, c’est l’engagement opérationnel très soutenu du régiment. Sur le territoire national, nous avons été mobilisés en Nouvelle-Calédonie lors de la crise de cet été. Nous avons encore des éléments déployés sur place, qui participent à la reconstruction des infrastructures et à la protection des emprises militaires, tout en poursuivant les missions habituelles des forces armées, notamment le contact avec la population.
Le régiment a également été engagé à Mayotte après le passage de la tempête Shido. Avant même la tempête, nous avions des éléments sur place travaillant au profit des forces armées. Après son passage, nous avons envoyé du personnel, avec d’autres régiments du génie, pour le déblaiement, l’aide aux populations et la reconstruction des infrastructures militaires permettant le déploiement des forces.
Beaucoup de dégâts sur place ?
Oui, et les missions ont été riches : aide aux populations avec l’apport de vivres et d’eau, mise en œuvre de groupes électrogènes pour l’électricité, déblaiement des routes, y compris sur les îles éparses dépendant de Mayotte.
Outre-mer, mais aussi aux Jeux Olympiques de Paris…

Effectivement. Pour les JO, le régiment avait pour mission la protection de la zone de rassemblement des bateaux de la parade navale de la cérémonie d’ouverture. Nous avons été déployés à Paris pendant plus d’un mois, à la tête d’un bataillon de protection spécifique, en appui de la préfecture de police de Paris. Nous avons assuré la sécurisation de l’arrivée des athlètes, leur embarquement sur les bateaux et le départ de la parade jusqu’à son passage sous le pont.
C’était une mission marquante, une expérience unique pour nos cadres et légionnaires. Participer à un événement aussi important, avec un retentissement mondial, a suscité une très forte motivation et implication.
Des missions à l’international et une montée en puissance du régiment
Vous avez également été engagés hors du territoire national ?
Oui, nous avons envoyé plusieurs unités dans les forces de présence et opérations de l’armée de Terre. À Djibouti, nous avons mené des entraînements et des partenariats avec les forces djiboutiennes, notamment en milieu désertique. En Roumanie, nous avons participé à l’opération Aigle, en envoyant des spécialistes de la production d’eau et d’énergie pour soutenir les forces françaises. Enfin, nous avons été engagés au Liban, au sein de la force des Nations Unies, dans un contexte tendu lié au conflit entre Israël et le Hezbollah.
Concernant le conflit russo-ukrainien, avez-vous été impliqués ?
Non, notre grande unité de rattachement n’a pas été directement engagée. Toutefois, nos éléments déployés en Roumanie contribuent à la posture de dissuasion. Par ailleurs, nous avons noué un partenariat avec le 4e bataillon du génie belge, qui se renforcera en 2025 avec davantage d’exercices opérationnels.”
Quel bilan général dressez-vous de cette année 2024 ?
Une année de fort engagement : entre 250 et 300 militaires ont été déployés en permanence, en France et à l’étranger. Nous avons aussi célébré les 40 ans du régiment avec une grande cérémonie le 12 octobre, où le général commandant la Légion étrangère nous a remis le drapeau du 6e Régiment Étranger de Génie, notre appellation d’origine. C’était un moment fort de cohésion et de tradition.
Capacités et perspectives pour 2025
Le 1er REG compte combien d’hommes ?
Nous avons dépassé les 1 000 cadres et légionnaires cette année, et nous poursuivons notre montée en puissance avec des nouvelles capacités, comme le combat fluvial, pleinement opérationnel après sa première mission aux JO de Paris.
Y a-t-il des évolutions majeures prévues ?
Oui. Nous poursuivons notre transformation avec l’arrivée de nouveaux matériels, notamment des Griffons en remplacement des véhicules de l’avant blindé. Cela s’accompagne de nouvelles infrastructures et d’une modernisation de nos équipements.
Pourquoi est-il important pour l’armée d’être présente en outre-mer ?
Parce que la mission fondamentale des armées est la protection du territoire et des populations. Qu’il s’agisse d’une crise sécuritaire, comme en Nouvelle-Calédonie, ou d’une catastrophe naturelle, comme à Mayotte, les armées apportent des capacités de réaction immédiates et uniques en appui des forces de sécurité intérieure et de la sécurité civile.
Moral des troupes et ancrage local
– Comment se porte le moral des troupes ?
Très bon. Les nombreuses missions permettent aux légionnaires de vivre l’aventure qu’ils sont venus chercher. La modernisation du régiment renforce aussi la motivation. Enfin, nous avons un lien fort avec le Gard Rhodanien, qui sera officialisé par une convention avec la communauté d’agglomération et la mairie de Laudun-l’Ardoise, favorisant l’intégration des familles et le partenariat avec les jeunes.
Anticipation et défis stratégiques de 2025
Quelles opérations majeures sont prévues pour 2025 ?
Nous poursuivrons nos engagements en Nouvelle-Calédonie, Guyane et Martinique, ainsi que sur l’opération Sentinelle. D’autres opérations inopinées pourraient survenir. Le rythme restera élevé, avec toujours entre un quart et un tiers du régiment déployé.
Comment anticipez-vous l’instabilité géopolitique actuelle ?
Nous nous préparons en renforçant notre entraînement au combat de haute intensité, en combinant toutes les armes de l’armée de Terre dans des exercices interarmes. En mars, nous mènerons l’exercice Terra Nostra, axé sur le franchissement et l’appui à la cavalerie.
Un dernier Camerone avant la passation de commandement
Vous quitterez le régiment cet été. Quels seront les moments forts avant votre départ ?
Le Camerone du 30 avril, sur le thème ‘Français par le sang versé’, marquera aussi la création d’une nouvelle compagnie, la 8e compagnie, dédiée au soutien et à l’instruction. Puis, le 1er juillet, je passerai le commandement au colonel Dorigny.
Quelle est la suite pour vous ? Et que retenez-vous de votre passage au 1er REG ?

Je rejoindrai les forces armées en Guyane en tant que chef d’état-major interarmées. Ce que je retiens de ces deux années passées à la tête du régiment, c’est tout d’abord les légionnaires. J’ai une très belle image d’un légionnaire qui a été pris en photo pour les 40 ans du régiment. Cette photo d’un légionnaire qui regarde loin devant lui, et où on voit l’enthousiasme, la motivation et puis la matérialisation de ce que j’avais demandé au régiment qui était d’être prêt, d’être prêt à s’engager en opération, d’être prêt à consentir le sacrifice de sa vie au profit d’une mission qui nous dépasse.
Quel message laisserez-vous à vos hommes ?
Restez prêts. Quelles que soient les incertitudes, le 1er REG a toujours répondu présent. L’entraînement et l’engagement quotidien sont les clés pour être à la hauteur des défis futurs.
Une année intense se termine pour le 1er REG, et les défis à venir promettent d’être tout aussi exigeants.