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À Cavillargues, la santé s’organise : inauguration d’une Maison de santé… et d’un état d’esprit

Il y avait du monde, du soleil et, surtout, un soulagement presque palpable. Ce samedi midi, Cavillargues a inauguré sa Maison de santé pluridisciplinaire, sa nouvelle pharmacie et, dans le même mouvement, une façon de faire face à la désertification médicale. Sur l’esplanade, élus, soignants et habitants ont partagé le même constat : lorsque la volonté politique rencontre la mobilisation des professionnels et l’appui des institutions, le « droit à la santé » cesse d’être un slogan pour devenir un lieu, des visages, une porte ouverte.

Le maire Laurent Nadal a donné le ton d’entrée de jeu. « Face au déficit de professionnels, en milieu rural, il y a deux choix : l’immobilisme ou l’action. Nous avons choisi d’agir. » Agir, d’abord, en pensant la ville à partir de ses besoins les plus concrets. Le projet, lancé en 2021, s’est appuyé sur un terrain communal découpé pour accueillir la MSP, un cabinet de kinésithérapie mitoyen et la grande pharmacie transférée du centre-bourg. L’architecture, confiée à Adrien Carbou de l’agence ATOIT Architecture, a cherché la simplicité d’usage : un bâtiment de plain-pied, accessible, sept cabinets, un hall d’accueil, une salle d’attente, des sanitaires, et – détail qui n’en est pas un – une salle de réunion pour que les soignants se parlent, structurent les parcours, se coordonnent.

Dans sa chronique très concrète des « joies » d’un chantier public, le maire a raconté les contretemps : la ligne haute tension qu’il a fallu sécuriser en cours de route, l’absence de coffret Enedis qui a obligé l’équipe à travailler des semaines au groupe électrogène – « lequel a fini par prendre feu en juillet », glisse-t-il avec un sourire fatigué –, les hausses de coûts et l’assiette FEDER finalement réduite. Rien qui n’ait entamé la détermination municipale, mais assez pour rappeler que la santé de proximité se gagne mètre par mètre, paperasse après paperasse, signature après signature.

L’enjeu, pour Cavillargues, n’était pas théorique. Il fallait d’urgence accompagner les départs à la retraite, retenir les jeunes professionnels déjà installés et offrir des conditions de travail dignes à de nouvelles recrues. La venue de la Dr Émilie Raot en 2024 a été un accélérateur. Autour d’elle, une équipe s’est agrégée : orthophonistes, infirmière, diététicienne, podologue, kinésithérapeute, pharmaciens. « Cette maison est presque pleine avant même son ouverture », se réjouit le maire. L’organisation s’appuie sur un groupement de commandes avec le kinésithérapeute et les pharmaciens, un montage qui a permis de mutualiser des marchés, de rationaliser les coûts et d’aligner les calendriers.

Rien de cette orchestration n’aurait vu le jour sans l’obsession des équilibres financiers. Le volet communal de la MSP représente un investissement d’environ 1,4 M€ HT, soutenu à près de 60 % par des subventions croisées – État (DETR), Région via les fonds européens (FÉDÉRAL), Département, Agglomération – et complété par un prêt de 530 000 € auprès de la Banque des Territoires, étalé sur quarante ans. Les loyers fixés autour de 10 €/m² doivent sécuriser l’équilibre à long terme. En additionnant la part communale et les investissements du kiné et des pharmaciens, c’est un pôle de plus de 3 M€ qui s’ancre au village. « Un pari gagnant », a martelé Laurent Nadal, « parce qu’il répond à des besoins immédiats, mais aussi parce qu’il crée de l’attractivité pour des années ».

Cette attractivité, Jean-Christian Rey, président de l’Agglomération du Gard rhodanien, en a fait le fil rouge de son intervention. Il a rappelé combien la santé, au même titre que l’éducation, la sécurité ou les transports, pèse lourd dans la décision d’une famille de s’installer, d’une entreprise d’investir. « Nous manquons de médecins, certes, mais nous manquons surtout de médecine coordonnée », a-t-il insisté. D’où l’importance de lieux capables d’organiser la continuité des soins, de fluidifier les relais entre généralistes, paramédicaux et officine. L’Agglomération, a-t-il rappelé, accompagne chaque année les communes via des fonds de concours et prépare l’accueil d’internes sur le territoire, avec l’espoir que « l’expérience » se transforme en installation.

Le Département, représenté par Alexandre Pissas, a souligné la part engagée au titre des contrats territoriaux, tout en rappelant que la santé n’est pas, stricto sensu, sa compétence. Son propos s’est fait plus analytique : la crise actuelle résulte d’un long « divorce » entre l’offre et la demande de soins, aggravé par des mouvements démographiques et les transformations de l’exercice médical. « Je n’entre pas dans le débat aujourd’hui, mais les réponses devront partir du terrain », a-t-il résumé, non sans saluer la « ténacité » du maire.

Même tonalité côté Région. Pour Fabrice Verdier, l’Occitanie a choisi d’être « modestement mais réellement » un acteur de la politique de santé : fléchage de crédits européens vers les maisons de santé, soutien à la rénovation hospitalière et expérimentation de postes de médecins salariés dans plusieurs communes. « La médecine a changé, il faut des lieux adaptés. Ce que vous inaugurez ici, c’est exactement cela : un cadre de travail collectif qui redonne envie d’exercer. »

Les parlementaires ont replacé l’événement dans le débat national. Pascale Bordes, députée, a, elle aussi, parlé d’attractivité, mais à hauteur d’habitants. Elle a dit les vies entravées par la disparition d’un médecin traitant, les droits suspendus faute de certificat, « en 2025, en France, en Europe de l’Ouest ». Son hommage à la féminisation de l’équipe a été salué, mi-sérieux mi-enjoué : « Girl power en marche, et c’est une excellente nouvelle. » La sénatrice Vivette Lopez a convoqué Victor Hugo – « Il faut oser, le progrès est à ce prix » – pour saluer l’audace d’un projet conduit « malgré les embûches », tandis que son collègue Laurent Burgoa a insisté sur la force du collectif et sur la présence de l’État « quand il est là, il faut le dire », citant l’ARS et les enveloppes mobilisées. Et de conclure à l’adresse de la mairie : « Quand on est uni et qu’on va dans le même sens, on y arrive. »

Justement, l’Agence régionale de santé a mis des mots sur ce qui se joue derrière les murs blancs d’une MSP. « L’ARS ne crée pas des médecins », a rappelé son directeur adjoint, Joffrey Henric, mais elle organise, finance, autorise et impulse. Surtout, elle encourage « l’exercice coordonné », seule réponse durable à l’épuisement du modèle du praticien isolé. Ici, l’ambition est claire : accueillir des internes et, demain, des docteurs juniors ; leur offrir des conditions d’exercice et de vie qui donnent envie de rester ; tisser un réseau où la coopération n’est plus une injonction mais une habitude.

À la Préfecture, on parle de « rencontre de deux volontés » : celle des élus qui veulent maintenir – ou ramener – des soignants ; celle des professionnels qui cherchent un cadre collectif, protecteur, compatible avec la vie familiale et le besoin d’échanges. Yann Gérard, secrétaire général, a salué « un défi relevé pour une commune de cette taille », dans des délais finalement tenus malgré les « tracasseries » inhérentes à tout chantier. Son mot de la fin s’adressait aux praticiens : vous pouvez « éprouver une satisfaction légitime » au regard d’un projet de santé aligné sur les besoins du territoire.

Reste l’essentiel : ce que cela change, dès maintenant, pour celles et ceux qui pousseront la porte. Concrètement, une patiente âgée sortant d’hospitalisation trouve ici un médecin qui coordonne, une infirmière qui passe le relais, un kinésithérapeute juste à côté, une pharmacie à quelques pas, des orthophonistes et une diététicienne accessibles sans traverser l’arrondissement. Un jeune parent obtient une prise en charge suivie, sans errance entre adresses et numéros fermés. Les professionnels, eux, gagnent des temps d’échanges, des protocoles partagés, des réunions de concertation qui évitent les ruptures et rationalisent le quotidien. Et la commune, au-delà des soins, gagne une promesse : celle d’être une terre d’accueil crédible pour de nouveaux habitants et de nouvelles activités.

On aura beaucoup parlé de chiffres, de mètres carrés, de subventions, de prêts, de cabinets d’études et d’appels d’offres. Mais ce que Cavillargues inaugure, au fond, dépasse la somme de ces lignes budgétaires. C’est une culture. Celle d’un territoire qui se retrousse les manches, fédère, assume les longueurs administratives et croit que la santé n’est pas soluble dans l’isolement. « On peut être fiers », a conclu Laurent Nadal. Au vu des sourires, des accolades et des carnets déjà pleins, la fierté a, ici, l’épaisseur d’un service public retrouvé.

Rémi Fagnon

A tout juste 22 ans, le benjamin de l'équipe Rémi a fait du journalisme son terrain de jeu favori ! Vêtu de son costard cravate, ses lunettes teintées, un carnet, un stylo et dégainant son appareil photo à la moindre occasion, Rémi mène l’enquête, avec une ténacité légendaire. C’est aussi un féru de journalisme sportif, pour qui le Tour de France, les matchs de foot et le sport automobile n’ont aucun secret. Son talent caché : lors d’une interview téléphonique, à peine a-t-il raccroché, que son article est déjà prêt.

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